Page:Marx - Différence de la philosophie de la nature chez Démocrite et Épicure.djvu/148

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devenir pour lui une présupposition, il se différencie d’elles, et il ne pourrait se sauver de cette différence que par la πίστις (croyance), mais celle-ci n’est garantie par rien.

[Hasard et nécessité]

Ce qui est en général intéressant chez Épicure, c’est que dans tous les domaines il écarte l’état qui entraîne la présupposition comme telle à apparaître, et qu’il estime normal l’état dans lequel la présupposition est voilée. De la nature corporelle en tant que telle, il n’est en général jamais question. Dans la justice punitive, ce sont justement la connexion intérieure, la nécessité aveugle qui ressortent, et cette nécessité, Épicure l’écarte ; il écarte sa catégorie de la logique, comme, de la vie du sage, l’apparence de sa réalité. Par contre le hasard, qui fait qu’un juste souffre, n’est jamais une relation extérieure et ne l’arrache pas à son absence de relation.

On voit à partir de là combien faux est aussi le reproche suivant de Plutarque. τὸ δὴ μηδὲν ἀδικεῖν, οὐδέν ἐστι πρὸς τὸ θαρῥεῖν, οὐ γὰρ τὸ δικαίως παθεῖν, ἀλλὰ παθεῖν φοβερόν[1] [Plut. De eo quod. 1090, 6]. Plutarque estime, en effet, qu’Épicure devrait raisonner ainsi d’après ses principes. Il ne lui vient pas à l’esprit qu’Épicure a peut-être d’autres principes que ceux qu’il veut bien lui donner.


[Extraits de Plutarque de eo quod 1090-1091]

τὸ γὰρ ἀναγκαῖον οὐκ ἀγαθόν ἐστιν, ἀλλʹἐπέκεινα τῆς φυγῆς τῶν κακῶν κεῖται τὸ ἐφετὸν καὶ τὸ αἰρετόν[2][Plut. De eo quod. 1091, 8]. Plutarque parle avec une sagesse qui lui est bien particulière, quand il dit que l’animal cherche en dehors de la nécessité, laquelle est la fuite hors du mal, le bien, bien qui se situe au-delà de la fuite. Que l’animal cherche encore un bien au-delà, c’est justement ce qui est animal en lui. Chez Épicure, il n’y a aucun bien qui soit pour l’homme

  1. Ne pas se rendre coupable d’une faute ne donne encore aucun droit à être confiant, car ce n’est pas le fait de souffrir justement, mais c’est la souffrance qui provoque la crainte.
  2. Car le nécessaire n’est pas encore un bien, mais ce n’est qu’au-delà de la fuite des maux que se trouvent le désirable et le souhaitable.