Page:Marx - Différence de la philosophie de la nature chez Démocrite et Épicure.djvu/186

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il glorifie la θεωρία (contemplation) comme ce qu’il y a de meilleur (τὸ ἥδιστον καὶ ἄριστον, le plus agréable et le meilleur), ou quand il admire la raison de la nature dans le traité περὶ τῆς φύσεως ζωϊκῆς (de animante natura) [Arist. de partibus animalium 645 a], et plus récemment l’enthousiasme de Spinoza, quand il parle de la contemplation sub specie aeternitatis (au regard de l’éternité), de l’amour de Dieu, ou de la libertas mentis humanae (liberté de l’esprit humain), ou encore l’enthousiasme de Hegel quand il développe la réalisation éternelle de l’idée, le grand organisme de l’univers des esprits, sont plus solides, plus chaudes, plus bienfaisantes à l’esprit universel formé par la culture ; c’est aussi pour cela que ces enthousiasmes, une fois consumés, deviennent le pur feu idéal de la science, alors que celui de Platon parvenait à l’extase comme à son plus haut sommet. C’est pourquoi l’inspiration de Platon ne fut que la bouillote d’esprits singuliers, tandis que celles-ci furent le spiritus animant des développements de l’histoire mondiale.

Si donc on peut aussi, d’un autre côté, admettre que dans la religion chrétienne précisément, qui représente le plus haut point du développement religieux, il doit se trouver plus de résonances évoquant la forme subjective de la philosophie platonicienne que celle des autres philosophies antiques, on doit aussi bien affirmer inversement pour la même raison que dans aucune philosophie l’antithèse entre le religieux et le philosophique ne saurait s’exprimer plus clairement, parce qu’ici la philosophie apparaît dans la détermination de la religion, alors que chez Platon la religion apparaît dans la forme de la philosophie.

En outre, les jugements de Platon concernant le salut de l’âme, etc., ne prouvent absolument rien, car tout philosophe veut délivrer l’âme de ses limites empiriques ; ce qui est ici analogue avec la religion serait seulement le manque de philosophie qui consiste à considérer cette rédemption comme le but de la philosophie, tandis qu’elle n’est que la condition du salut de la philosophie, que le commencement du commencement.