Aller au contenu

Page:Marx - Différence de la philosophie de la nature chez Démocrite et Épicure.djvu/19

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.


II. — LA PHILOSOPHIE CRITIQUE


Cette brutale scission n’est qu’un rappel à l’ordre : elle indique la survivance de l’histoire réelle au discours philosophique. Elle est la manière qu’a l’histoire concrète de réfuter la construction idéaliste. Mais cette histoire concrète n’est pas reconnue comme telle dans sa rationalité propre. D’où l’embarras des philosophes allemands qui méconnaissent totalement le processus historique concret et qui sont placés devant ce démenti de l’histoire réelle. Voués à méconnaître l’histoire comme objet possible de science, ils ressentent douloureusement le devenir-irrationnel du monde et le devenir-abstrait de la philosophie.

La contradiction nouvelle entre la philosophie et le monde ne devait pas tarder, vers 1835, à provoquer « une scission au sein de l’école hégélienne entre une droite conservatrice, composée des disciples orthodoxes attachés à la doctrine du maître, et une gauche progressiste qui s’efforça d’adapter cette doctrine aux tendances libérales de la bourgeoisie[1] ». Cette scission, qui ne devait faire que s’accentuer, définit le mouvement des Jeunes hégéliens qui forma à partir de cette date l’aile gauche de l’école hégélienne, et qui devait donner à la philosophie une nouvelle tâche : la critique.

Ce concept de critique est ambigu. L’activité critique se présente d’abord comme le résultat de la fidélité théorique absolue à Hegel : le maître a effectivement, comme le dira Cieszkowski, découvert les lois du monde. Il ne s’agit donc pas, au départ, de renoncer à Hegel ou de le réinterpréter. Le divorce entre le concept et l’empirie conduit la philosophie à se tourner contre le monde devenu irrationnel et à le transformer. La philosophie, écrira Marx dans ses

  1. . Cornu (A.), op. cit., I, 135.