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Page:Marx - Différence de la philosophie de la nature chez Démocrite et Épicure.djvu/20

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Remarques à la Dissertation, « se tourne vers le monde concret, et noue pour ainsi dire des intrigues avec lui[1] ». Le décalage entre concept et réel suscite la volonté « de réaliser le concept ici et maintenant, au sein même de l’empirie, par une action ». Cette réalisation ne touche pas à la théorie hégélienne de l’Etat. « Comme Hegel, ils pensent qu’il importe de créer un régime dans lequel… l’intérêt de tous coïncide avec celui de chacun, dans lequel la volonté individuelle veuille ce qui est objectivement raisonnable[2]. »

Mais ce que refuse la critique, c’est que le fait de comprendre le divorce entre empirique et réel soit suffisant pour supprimer ce divorce. Elle réclame pour l’homme la satisfaction empirique, et veut réaliser effectivement l’Etat rationnel. La philosophie comme interprétation du monde est terminée avec Hegel ; il faut appliquer la science, faire du concept une arme de combat dans la lutte qui rendra l’Etat adéquat à son essence. La critique suppose la conviction que le rationnel est communicable et que le langage qui possède la science est convaincant. Or, s’il est convaincant, c’est que la raison lui préexiste et constitue le réel véritable. La critique se propose donc de faire échec au mauvais vouloir des gouvernants, et d’« accoucher » la rationalité que le devenir contient. La réalisation de la science « repose désormais sur l’acuité critique et sur le courage civique des philosophes » qui sauront dénoncer ce qui est mort et faire valoir le point de vue de la raison[3]. Il faut souligner que l’ensemble de cette action ne quitte pas le sol de la pure critique : il suffit de mener la lutte contre les éléments irrationnels du monde, de les faire disparaître, pour amener un changement radical. Si, au départ, la Critique représentait le refus de rester sur le terrain de la pure pensée, la frontière entre cette pure pensée et la critique n’est plus si évidente : elle semble se réduire à la manifes-

  1. . Travaux préparatoires : Points nodaux dans le développement de la philosophie.
  2. . Chatelet (F.), op. cit.
  3. . Idem, ibidem, p. 97.