Page:Marx - Différence de la philosophie de la nature chez Démocrite et Épicure.djvu/235

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La seule règle que prescrit Epicure, « que l’explication ne doit pas être contredite par la perception sensible », se comprend en soi ; c’est, en effet, justement le propre du possible abstrait d’être libre de toute contradiction, laquelle doit pour cela être prévenue[1]. Epicure avoue au bout du compte que son mode d’explication n’a pour but que l’ataraxie de la conscience de soi, et non la reconnaissance de la nature en soi et pour soi[2].

Nous n’avons plus guère besoin de développer ce point : ici encore Epicure est totalement opposé à Démocrite.

Nous voyons donc les deux hommes s’opposer pas à pas. L’un est sceptique, l’autre dogmatique ; l’un tient le monde sensible pour une apparence subjective, l’autre pour un phénomène objectif. Celui qui tient le monde sensible pour une apparence subjective s’adonne à la science empirique de la nature et aux connaissances positives et représente l’inquiétude de l’observation qui expérimente, apprend partout et erre de par le monde. L’autre, qui tient pour réel le monde phénoménal, méprise l’empirie ; ce sont le repos de la pensée qui trouve sa satisfaction en soi-même, l’indépendance qui crée son savoir à partir d’un principio interno (principe intérieur), qu’il incarne. Mais la contradiction va plus loin encore. Le sceptique et empirique, qui tient la nature sensible pour une apparence subjective, la considère du point de vue de la nécessité, cherche à expliquer l’existence réelle des choses et à la comprendre. Le philosophe et dogmatique par contre, qui tient pour réel (real) le phénomène, ne voit partout que hasard, et son mode d’explication tend plutôt à supprimer toute réalité objective de la nature. Ces contradictions semblent renfermer une absurdité certaine.

Mais à peine peut-on encore présumer que ces hommes, partout en contradiction, s’attacheront à une seule et même

  1. . Cf. 2e partie, chap. V (de la Dissertation de Marx) ; Diog. X 88.
  2. . Ibid. 80.