Page:Marx - Différence de la philosophie de la nature chez Démocrite et Épicure.djvu/234

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du sujet pensant, cela n’est pas pour lui une limite, ni une pierre d’achoppement. Peu importe que cette possibilité soit également réelle, car l’intérêt ne se porte pas ici sur l’objet de l’entendement en tant qu’objet de l’entendement (Gegen-stand).

C’est pour cela qu’Epicure procède avec une nonchalance sans borne dans l’explication des divers phénomènes physiques.

La lettre à Pythoclès, que nous examinerons plus loin, éclaircira ce point. Qu’il me suffise ici d’attirer l’attention sur son attitude à l’égard des opinions des physiciens antérieurs. Dans les passages où l’auteur du De placitis philosophorum et Stobée citent les diverses opinions des philosophes sur la substance des astres, la grandeur et la figure du soleil, etc., il est toujours dit d’Epicure : il ne rejette aucune de ces opinions, toutes peuvent être vraies, car selon eux Epicure s’en tient au possible[1]. Bien plus, Epicure polémique même contre le mode d’explication par la possibilité réelle qui détermine selon l’entendement et est donc, justement pour cela, unilatérale.

C’est ainsi que Sénèque déclare dans ses Quaestiones naturales : « Epicure affirme que toutes ces causes peuvent être et tente en outre plusieurs autres explications ; il blâme ceux qui prétendent que parmi toutes ces causes, c’en est une déterminée qui a lieu, car pour lui c’est de la témérité que de porter un jugement apodictique sur ce qui ne peut être déduit que de conjectures[2].

On voit qu’il n’y a aucun intérêt à rechercher les causes réelles des objets (Objekte). Il ne s’agit que d’un apaisement du sujet qui explique. Du fait que tout le possible est admis comme possible, ce qui répond au caractère de la possibilité abstraite, il est évident que le hasard de l’être est purement et simplement traduit dans le hasard de la pensée.

  1. . Pseudoplut. 888 F et 890 C ; Stob. ecl. I, XXIV 10 (§ 514).
  2. . Sen. nat. quaest. VI 20, 5.