Page:Marx - Différence de la philosophie de la nature chez Démocrite et Épicure.djvu/238

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chose comme un rapport en lui-même inversé, apparaît en elles comme une exigence et un acte doubles, en contradiction avec eux-mêmes. En libérant le monde de la non-philosophie, ces consciences se libèrent elles-mêmes de la philosophie, qui, en tant que système déterminé, les enchaînait. Mais comme elles-mêmes ne sont conçues que dans l’acte et dans l’énergie immédiate du développement, et qu’elles n’ont donc pas encore, au point de vue théorique, dépassé ce système, elles ne ressentent que la contradiction avec l’identité-à-soi-même plastique du système, et ne savent pas qu’en se tournant contre lui, elles ne font qu’en réaliser effectivement les divers moments.

Enfin, cet être-dédoublé de la conscience de soi philosophique se présente comme la lutte de deux tendances, s’opposant entre elles de la manière la plus extrême, dont l’une, le parti libéral, ainsi que nous pouvons le désigner en général, s’en tient, comme détermination principale, au concept et au principe de la philosophie, tandis que l’autre retient le non-concept, le moment de la réalité. Cette deuxième direction est la philosophie positive. L’activité de la première est la critique, donc justement l’acte de se-tourner-vers-l’extérieur de la philosophie ; l’activité de la seconde est l’essai de philosopher, donc l’acte de se-tourner-en-soi de la philosophie, car elle conçoit le défaut comme immanent à la philosophie, tandis que la première le conçoit comme défaut du monde, qu’il s’agit de rendre philosophique. Chacun de ces partis fait précisément ce que l’autre veut faire et ce qu’il ne veut pas faire lui-même. Mais le premier a conscience, au sein de sa contradiction intime, du principe en général et de son but. Dans le second apparaît le travers, la folie pour ainsi dire, comme tel. Pour ce qui est du contenu, le parti libéral seul, parce que parti du concept, parvient à des progrès réels, tandis que la philosophie positive n’est à même que d’arriver à des exigences et à des tendances dont la forme contredit la signification.

Ce qui apparaît donc d’abord comme un rapport interverti et une division hostile de la philosophie et du monde devient ensuite une scission de la conscience de soi philosophique singulière contenue en elle-même, et apparaît enfin comme une séparation extérieure et un être-dédoublé de la philosophie, comme deux tendances philosophiques opposées.

Il va de soi qu’il surgit encore une foule de formations subordonnées, geignantes, sans individualité, qui s’abritent derrière une gigantesque figure philosophique du passé, — mais on ne tarde pas à apercevoir l’âne sous la peau du lion, la voix larmoyante d’un mannequin d’aujourd’hui et d’hier perce, en un contraste comique, sous la puissante voix qui traverse les siècles (celle d’Aristote par exemple), de qui elle s’est faite mal à propos l’organe ; c’est comme si un muet voulait se procurer de la voix au moyen d’un énorme porte-voix, — ou bien nous voyons quelque lilliputien, armé de doubles lunettes, installé dans le petit coin du postérieur du géant, annoncer au monde tout émerveillé quelle nouvelle perspective étonnante se découvre de son punctum visus (point de vue), et faire des efforts risibles pour expliquer que ce n’est pas dans le cœur palpitant, mais dans la région ferme et solide sur laquelle il se tient que se trouve le point d’Archimède, (ποῦ στῶ : là où je dois me trouver), point auquel le monde est suspendu par des gonds. Ainsi naissent des philosophes-cheveux, des philosophes-ongles, des philosophes-orteils, des philosophes-excréments, etc., qui, dans l’homme-monde mystique de Swedenborg, occuperait un poste encore plus bas. Mais