Page:Marx - Différence de la philosophie de la nature chez Démocrite et Épicure.djvu/284

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

corps célestes, la matière a cessé d’être singularité abstraite. Elle est devenue singularité concrète, universalité. Dans les météores, la conscience de soi abstraitement-singulière voit donc briller en face d’elle sa réfutation devenue positive — l’universel devenu existence et nature. Elle reconnaît donc dans ces deux termes son ennemi mortel. Elle leur attribue alors, comme le fait Épicure, toute l’angoisse et tout le trouble des hommes ; car l’angoisse et la dissolution de la singularité abstraite, voilà ce qui constitue l’universel. C’est donc ici que le véritable principe d’Épicure, la conscience de soi abstraitement-singulière, cesse de se cacher. Elle sort de sa cachette et, délivrée de son déguisement matériel, elle cherche, au moyen de l’explication par la possibilité abstraite — ce qui est possible peut aussi être autrement ; le contraire du possible est également possible —, à anéantir la réalité effective de la nature devenue autonome. C’est ce qui explique la polémique contre ceux qui expliquent les corps célestes ἁπλῶς, c’est-à-dire de manière déterminée ; car l’Un est le nécessaire et l’autonome-en-soi.

On voit donc qu’aussi longtemps que la nature exprime, en tant qu’atome et phénomène, la conscience singulière et sa contradiction, la subjectivité de cette dernière ne se présente que sous la forme de la matière elle-même ; lorsque, par contre, la nature devient autonome, la conscience de soi se réfléchit en elle-même et se pose en face de la nature sous sa figure propre : comme forme autonome.

On aurait pu dire a priori que le principe d’Épicure, lorsqu’il se réaliserait, cesserait d’avoir pour lui la réalité. Car, si la conscience de soi singulière était posé realiter (réellement) sous la déterminité de la nature (ou la nature sous la déterminité de la conscience de soi), sa déterminité, c’est-à-dire son existence, aurait cessé, étant donné que l’universel est seul à pouvoir savoir en même temps son affirmation, dans une libre différenciation de soi-même.

C’est donc dans la théorie des météores qu’apparaît l’âme de la philosophie épicurienne de la nature : rien n’est éternel, qui puisse détruire l’ataraxie de la conscience de soi sin-