Page:Marx - Différence de la philosophie de la nature chez Démocrite et Épicure.djvu/285

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gulière. Les corps célestes troublent son ataraxie, son identité avec soi-même, parce qu’ils sont l’universalité existante, parce qu’en eux la nature est devenue autonome.

Ce n’est donc pas la gastrologie d’Archestrate, comme le veut Chrysippe[1], mais l’absoluité et la liberté de la conscience de soi qui sont le principe de la philosophie épicurienne, même si la conscience de soi n’est conçue que sous la forme de la singularité.

Si la conscience de soi abstraitement-singulière est posée comme principe absolu, toute science véritable et réelle est en vérité supprimée, en ce sens que ce n’est pas la singularité qui règne dans la nature même des choses. Mais c’est aussi l’effondrement de tout ce qui transcende la conscience humaine et appartient donc à l’entendement imaginatif. Si, par contre, la conscience de soi qui ne se sait que sous la forme de l’universalité abstraite, est érigée en principe absolu, c’est la porte ouverte au mysticisme superstitieux et servile[2]. Nous en trouvons la preuve historique dans la philosophie stoïcienne. La conscience de soi abstraitement-universelle possède en effet en soi la tendance à s’affirmer dans les choses mêmes où elle n’est affirmée qu’en les niant.

Epicure est donc, des Grecs, le plus grand philosophe des « lumières », et l’éloge de Lucrèce lui revient.

Humana ante oculos foede quam vita jaceret,
in terris oppressa gravi sub religione
quae caput a caeli regionibus ostendebat,
horribili super aspectu mortalibus instans,
primum Graius homo mortalis tollere contra
est oculos ausus primusque obsistere contra ;
quem nec fama Deum nec fulmina nec minitanti

  1. . Athénée 111 104 b (63).
  2. . Lucrèce 1 62 sq. 78 sq.