Page:Marx - Différence de la philosophie de la nature chez Démocrite et Épicure.djvu/318

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conscience de son activité projective. La Dissertation distingue la négation épicurienne du ciel et la religion du ciel propre aux autres Grecs. Dans les deux cas, il s’agit du même ciel : l’objectif-autonome, l’Autre de la conscience abstraite, que cette conscience révère ou rêve de détruire sa réfutation matérielle.

Mais quelle est au juste la progression qui nous fait passer de la répulsion au ciel ? Dans les corps célestes, la forme et la matière cessent de s’entre-déchirer comme dans le monde terrestre. La concrétion gagne en détermination la suppression de l’abstraction. Mais cette suppression ne nous semble pas dialectique. Cette idée du ciel-accomplissement de la nature mécanique et de la pesanteur, Marx la reprend à Hegel, pour qui la gravitation constitue la mécanique absolue. Or, Hegel souligne que la nature mécanique ne peut connaître la suppression de la contradiction, car son essence est d’être contradictoire[1]. Le mouvement absolu est pour Hegel fondé sur la contradiction entre le centre unique de la pesanteur et les centres singuliers des corps célestes. Que la contradiction soit « éteinte » dans le ciel nous semble signifier pour Marx que cette contradiction est désormais concrète, que ses deux termes s’incarnent dans une réalité effective, et que cette contradiction est reconnue comme positive. Les corps célestes se rapportent au centre universel de la pesanteur tout en affirmant leur propre centre, et cette contradiction est admise par le ciel concret. Si l’atome était une pure forme qui devait s’aliéner pour se gagner l’existence, les corps célestes représentent l’atome dont l’existence n’est plus un scandale, l’intégration effective de la forme et de la matière. Le ciel comporte des moments opposés, mais dont l’opposition est positive puisqu’elle produit le mouvement absolument libre. C’est exactement le même rapport qui règne entre l’homme et la nature, dès l’instant où l’homme est reconnu comme être objectif naturel. L’homme est un être-là naturel produit par la nature : ce sol matérialiste est celui où le sujet se découvre comme

  1. . Encyclopédie, éd. cit., p. 154.