Page:Marx - Différence de la philosophie de la nature chez Démocrite et Épicure.djvu/63

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

simple projection de la conscience de soi abstraite[1] et Marx est particulièrement sévère sur ce point, montrant que cela revient ultimement à rester prisonnier de la nature.

Si donc le matérialisme de Démocrite est purement mécanique et unilatéral — inhumain —, celui d’Épicure est en réalité un idéalisme de la conscience de soi abstraite présenté « sous un déguisement matériel », du moins si nous suivons la lecture que nous en donne Marx en 1841. La conscience de soi d’Épicure n’est donc pas la conscience humaine concrète qui fondera l’« humanisme réel » de Feuerbach, car celui-ci suppose qu’on dépasse le résultat hégélien (l’union idéaliste de la conscience et du monde) et non qu’on en reste à un de ses moments. La philosophie d’Épicure représenterait beaucoup plus la tendance de

  1. . Nous citons les points essentiels de cette critique de la projection :

    a) Le fragment : la Philosophie épicurienne des météores : « La détermination intérieure est… niée et le principe du pensable, du représentable, du hasard, de l’identité et liberté abstraite se manifeste comme ce qu’est celle-ci : comme l’indéterminé, qui justement pour cette raison est déterminé par une réflexion extérieure à lui. Il apparaît ici que la méthode de la conscience productrice de fictions et de représentations ne se bat que contre sa propre ombre. » Quand l’objet défie la conscience par son autonomie — comme dans les météores —, « la conscience éclate dans l’aveu de son activité… elle voit… qu’elle n’a pour en faire son principe que la possibilité, le hasard, et que ce qu’elle cherche, c’est à effectuer de n’importe quelle manière une tautologie entre elle et son objet… Elle affirme que ce n’est pas une explication qui la satisfait, mais plusieurs, c’est-à-dire toute explication possible ; elle avoue ainsi que son activité est une fiction active. Les météores sont… l’image où la conscience contemple son manque… Épicure a exprimé cette image et c’est son mérite, la conséquence implacable de ses conceptions et ses développements ».

    (Signalons que sur ce point précis, Marx semble être injuste envers Épicure : selon lui, la conscience épicurienne se satisfait « de toute explication possible », c’est-à-dire possible selon la possibilité formelle. Or, Épicure fixe comme règle à l’explication astronomique l’accord avec les phénomènes, c’est-à-dire la possibilité réelle, matérielle. Ceci prouve que Marx tient assez à son principe de lecture pour l’étendre exagérément. La question de savoir si ce principe est « un bon principe » selon la vérité de l’histoire de la philosophie nous concerne ici moins que l’importance que revêt pour le jeune Marx une telle lecture. Nous nous interrogeons sur Marx plus que sur Épicure.)

    b) Dissertation, éd. Rk, p. 174 : « On voit donc qu’aussi longtemps que la nature exprime, en tant qu’atome et phénomène, la conscience