Page:Marx - L’Allemagne en 1848.djvu/262

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ce sont l’ancienne société féodale surannée et la nouvelle société bourgeoise qui lutte pour l’hégémonie. Il vous a montré que c’est une lutte à mort. Il s’agit ici d’établir si, nous autres Allemands, nous possédons encore assez de vitalité pour sortir d’une situation que nous aurions dû depuis longtemps abolir, ou si, véritablement, nous reculons et devons tomber dans le despotisme asiatique.

Ceux qui, auparavant, croyaient à la loyauté de la couronne voyaient clairement, dès le mois d’août, que le roi et ses représentants n’avaient pas l’intention de tenir les promesses faites en mars. Dès ce moment on aurait dû non conclure une trêve insoutenable, mais engager la lutte à nouveau. On aurait ainsi certainement épargné à notre patrie une calamité indicible.

Vous vous souvenez, Messieurs, de la proposition du député Stein. Il demandait tout simplement que le ministère témoignât de la loyauté de ses sentiments envers les institutions constitutionnelles en faisant aux officiers réactionnaires un devoir d’honneur de sortir de l’armée. Que firent les valets de la couronne ? Ils refusèrent d’exécuter la décision de l’Assemblée et se retirèrent. Puis en vinrent d’autres qui prirent des demi-engagements pour gagner du temps, parce qu’alors on n’osait pas encore ouvertement dévoiler ses plans. Si l’on avait agi de bonne foi, si l’on avait réellement voulu renoncer à la vieille société féodale et reconnaître la société bourgeoise, on aurait exécuté, dès le printemps, les mesures préconisées par Stein, et l’on ne serait pas entré en conflit avec l’Assemblée nationale. En fait, Messieurs, dans un pays constitutionnel, les officiers ne sont plus des serviteurs du roi, mais des serviteurs de l’État qui paie leurs services. S’ils ne sont pas d’accord avec les institutions de l’État, s’ils ne veulent ou ne peuvent le servir loyalement et fidèlement, l’honneur leur commande de se retirer et de ne pas se laisser payer plus longtemps pour des services qu’ils ne veulent point rendre. Rien de plus simple.