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la lutte des classes en france

qu’il violait la constitution. Le « parti de l’ordre » répondit que l’on violerait la constitution s’il le fallait, mais que, cependant, cela n’était pas nécessaire, parce que la question était susceptible de toute interprétation et que la majorité avait seule compétence pour décider de l’interprétation exacte. Aux attaques effrénées, sauvages, de Thiers et de Montalembert, la Montagne opposa un humanisme convenable et de bon ton. Elle invoquait le terrain juridique. Le « parti de l’ordre » la replaça sur le terrain dans lequel le droit a sa racine, dans le domaine de la propriété bourgeoise. La Montagne demanda en gémissant si l’on voulait à toute force faire naître des révolutions ? Le « parti de l’ordre » répondit qu’on les attendait.

Le 22 mai, la question en discussion fut tranchée par 462 voix contre 227. Les hommes qui avaient démontré avec une profondeur si magnifique que l’Assemblée nationale, que chaque député résignait son mandat en quittant le service du peuple son mandant, restèrent sur leurs sièges et essayèrent aussitôt de faire agir le pays à leur place et cela au moyen de pétitions ; ils siégeaient encore, intangibles, quand le 31 mai la loi passa brillamment. Ils essayèrent de se venger par une protestation où ils dressaient procès-verbal de leur innocence dans le viol de la constitution, protestation qu’ils ne déposèrent même pas ouvertement, mais qu’ils glissèrent par derrière dans la poche du président.