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de février à juin 1848
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grands spéculateurs. La fraction de la bourgeoisie qui dominait avait donc un intérêt direct à ce que l’État fût en déficit. On s’explique donc que, dans les dernières années du règne de Louis-Philippe, les crédits extraordinaires aient dépassé de beaucoup le double de leur montant sous Napoléon. Ils étaient supérieurs à 400 millions de francs, alors que l’exportation annuelle de la France s’éleva rarement à plus de 750 millions. De plus, les sommes énormes qui passaient ainsi entre les mains de l’État laissaient place aux adjudications frauduleuses, aux corruptions, malversations, coquineries de toute espèce. L’État, lésé en grand par les emprunts, l’était en détail dans les travaux publics. Les relations nouées entre la Chambre et le Gouvernement se compliquaient de celles qui s’établissaient entre les administrations et les entrepreneurs isolés.

Non contente de tirer profit des dépenses et des emprunts publics, la classe dominante exploitait les lignes de chemins de fer. Les Chambres attribuaient à l’État les principales charges et réservaient à l’aristocratie de la spéculation les fruits du trafic. Qu’on se souvienne du scandale qui éclata à la Chambre des députés quand il apparut que beaucoup de membres de la majorité, y compris une partie des ministres, étaient actionnaires des mêmes lignes de chemins de fer que, comme législateurs, ils faisaient construire aux frais de l’État.