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Page:Marx - La Lutte des classes en France - Le 18 brumaire de Louis Bonaparte, 1900.djvu/231

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le xviii brumaire de louis bonaparte
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La constitution renvoie continuellement à de futures lois organiques, destinées à compléter ces notes marginales et à régler la jouissance de ces libertés absolues de telle façon qu’elles ne se blessent pas entre elles et ne blessent pas non plus la sécurité publique. Plus tard, les lois organiques ont été mises au jour par les amis de l’ordre et toutes ces libertés ont été réglées de telle façon que la bourgeoisie ne rencontra dans leur jouissance aucun obstacle dans les droits égaux des autres classes. Quand les lois « organiques » refusent complètement ces libertés, ou subordonne leur jouissance à des conditions qui sont autant de pièges policiers, c’est toujours, comme le prescrit la constitution, dans l’intérêt de la sécurité publique, c’est-à-dire de la sécurité de la bourgeoisie. Des deux côtés on se prévalait en toute justice de la constitution, les amis de l’ordre qui anéantissaient toutes ces libertés, comme les démocrates qui les réclamaient toutes en s’appuyant sur elle. Chaque paragraphe de la constitution contient, en effet, sa propre antithèse ; sa propre chambre haute, sa propre chambre basse ; la phrase générale reconnaît la liberté, la glose marginale supprime cette liberté. Aussi longtemps donc que le nom de la liberté fut respecté et que seule sa réalisation véritable fut interdite, l’existence constitutionnelle de la liberté resta entière, intacte, bien que son existence, au sens vulgaire du mot, fut totalement anéantie.