ment à leurs deux maisons royales les séparait ; les faits démontrèrent plus tard que c’était bien plutôt leur intérêt différent qui interdisait l’union des deux dynasties. Et si, dans la vie privée, on distingue entre ce qu’un homme dit ou pense de lui-même et ce qu’il est ou fait réellement, il est encore bien plus nécessaire, dans les luttes historiques, de faire la différence, d’une part, entre les phrases ou les chimères d’un parti et son organisme réel, ses intérêts réels, d’autre part, entre sa représentation intellectuelle et sa réalité. Sous la République, orléanistes et légitimistes nourrissaient côte à côte des prétentions égales. Si de chaque côté on poursuivait contre l’autre parti la restauration de sa dynastie propre, cela signifiant seulement que chacun des deux grands intérêts qui partagent la bourgeoisie — propriété foncière et capital — cherchait à restaurer sa propre suprématie et à rétablir la subordination de l’intérêt rival. Nous parlons de deux intérêts de la bourgeoisie : la propriété foncière, en effet, malgré sa coquetterie féodale et son orgueil de race, s’était complètement embourgeoisée au cours du développement de la société moderne. Les Tories, en Angleterre, se sont longtemps figuré qu’ils brûlaient d’amour pour la royauté, l’Église, et les beautés de l’ancienne constitution anglaise jusqu’à ce que le jour du danger leur eût arraché l’aveu qu’ils ne pourchassaient avec tant d’exaltation que la rente foncière.
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le xviii brumaire de louis bonaparte
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