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le xviii brumaire de louis bonaparte
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la terreur future, de l’anarchie rouge. Bonaparte escompta cet avenir en faisant le 4 décembre descendre de leurs fenêtres à coups de fusil par l’armée de l’ordre, enthousiasmée par l’eau-de-vie, les bourgeois distingués du boulevard Montmartre et du boulevard des Italiens. Elle fit l’apothéose du sabre ; le sabre la gouverne. Elle anéantit la presse révolutionnaire ; sa presse propre est supprimée. Elle plaça les réunions populaires sous la surveillance de la police ; la police surveille ses salons. Elle a dissous la garde nationale démocratique ; sa propre garde nationale est dissoute. Elle mit en état de siège ; l’état de siège est prononcé contre elle. Elle remplaça le jury par des commissions militaires ; ses jurys sont remplacés par des commissions militaires. Elle soumit l’instruction populaire au prêtre ; les prêtres se soumettent sa propre instruction. Elle transporta sans jugement ; elle est transportée sans jugement. Elle fit opprimer par les pouvoirs publics tout mouvement de la société ; tout mouvement de sa société est réprimé par les pouvoirs publics. Par enthousiasme pour son sac d’écus, elle se révolta contre ses politiciens et ses littérateurs ; ses littérateurs et ses politiciens sont mis à l’écart, mais ses écus sont pillés, après que sa bouche eût été fermée et sa plume brisée. La bourgeoisie criait infatigablement à la Révolution ce que saint Arsène disait aux chrétiens : Fuge, tace, quiesce ! Bonaparte crie à la bourgeoisie : Fuge, tace, quiesce !