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la lutte des classes en france

gnait ; l’importation diminuait. Cavaignac et l’Assemblée nationale ne pouvaient recourir qu’à un nouvel emprunt : c’était se mettre davantage encore sous le joug de l’aristocratie financière.

Si, pour les petits bourgeois, le fruit de la victoire de Juin avait été la banqueroute et la liquidation judiciaire, la tendre armée des lorettes récompensa les janissaires de Cavaignac, les gardes mobiles. Ces « jeunes sauveurs de la société » reçurent des hommages de toute espèce dans les salons de Marrast, du « gentilhomme » des tricolores, devenu tout à la fois l’amphitryon et le troubadour de la République honnête. Ces préférences de la société et la solde incomparablement plus élevée dont jouissait la garde mobile indisposèrent l’armée. De plus, c’était le moment, où s’évanouissaient toutes les illusions qui, sous Louis-Philippe, avaient rallié autour des républicains bourgeois, grâce à l’attitude de leur journal, le National, une partie des militaires et de la classe paysanne. Cavaignac et l’assemblée jouaient dans l’Italie du Nord un rôle d’intermédiaire pour la livrer à l’Autriche, d’accord avec l’Angleterre. — Un seul jour de pouvoir anéantit les dix-huit années d’opposition du National. Pas de gouvernement moins national que celui du National. Pas de gouvernement qui dépendît davantage de l’Angleterre, et, sous Louis-Philippe, ce journal vivait de la répétition constante du mot de Caton : Carthaginem esse delendam. Pas de