Page:Marx - Misère de la philosophie.djvu/251

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amère ironie, avec çà et là un sentiment de révolte profond et vrai contre les infamies de l’ordre des choses établi, son esprit révolutionnaire, voilà ce qui électrisa les lecteurs de Qu’est-ce que la Propriété, et imprima une puissante impulsion dès l’apparition du livre. Dans une histoire rigoureusement scientifique de l’économie politique, cet écrit mériterait à peine une mention. Mais ces livres sensationnels jouent un rôle dans les sciences tout aussi bien que dans la littérature. Prenez, par exemple, l’essai sur la Population de Malthus. La première édition est tout bonnement un pamphlet « sensationnel » et, par dessus le marché, un plagiat d’un bout à l’autre. Et pourtant quelle impulsion cette pasquinade n’a-t-elle pas donnée au genre humain !

Si j’avais sous les yeux le livre de Proudhon, il me serait facile par quelques exemples de montrer sa première manière. Dans les chapitres que lui-même considérait les meilleurs, il imite la méthode antinomique de Kant, le seul philosophe allemand qu’il connaissait alors par des traductions, et il laisse une forte impression que pour lui, comme pour Kant, les antinomies ne se résolvent qu’« au delà » de l’entendement humain, c’est-à-dire que son entendement à lui est incapable de les résoudre.

Mais en dépit de ses allures d’iconoclaste, déjà dans ce premier ouvrage, on trouve cette contradiction que Proudhon, d’un côté, fait le procès à