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du salaire. En même temps, la production de la marchandise-travail [force de travail] devient toujours meilleur marché et coûte de moins en moins de temps de travail au cours du développement de la civilisation.

Le paysan a encore des loisirs et il peut encore gagner quelque chose à côté. Mais la grande industrie (non pas l’industrie manufacturière) supprime cette [situation] patriarcale. Chaque moment de la vie, de l’existence de l’ouvrier est ainsi de plus en plus intégré dans le hideux trafic,


6. Propositions pour y remédier


I. Une des propositions favorites est le système des caisses d’épargne. [Nous ne parlerons pas de l’impossibilité d’épargner où se trouve la plus grande partie des ouvriers eux-mêmes.]

Le but — du moins le sens économique strict des caisses d’épargne — doit être que les ouvriers compensent, grâce à leur prudence et leur clairvoyance, le temps où le travail est défavorable par celui où il est favorable ; que par conséquent, au cours du cycle par lequel passe le mouvement industriel, ils répartissent leur salaire de manière à ne dépenser jamais plus que le minimum de salaire indispensable pour vivre. Mais nous avons vu que ce ne sont pas seulement les fluctuations du salaire qui révolutionnent les ouvriers, mais que, sans sa hausse momentanée au-dessus du minimum, l’ouvrier resterait en dehors de tous les progrès de la production, de la richesse publique, de la civilisation, c’est-à-dire en dehors de toute possibilité d’émancipation. On veut donc que l’ouvrier se transforme en une machine à calculer bourgeoise, qu’il fasse de la parcimonie un système et qu’il donne à la misère en haillons un caractère stagnant conservateur.

Abstraction faite de cela, le système des caisses d’épargne est une triple machine de despotisme :

1. La caisse d’épargne est la chaîne d’or par laquelle le gouvernement tient une grande partie des ouvriers. Ceux-ci ne trouvent pas seulement de cette manière intérêt au maintien des conditions existantes. Il ne se produit pas seulement une scission entre la partie de la classe ouvrière qui participe aux caisses d’épargne et la partie qui n’y prend point part.

2. Les ouvriers mettent ainsi dans les mains de leurs ennemis mêmes des armes pour la conservation de l’organisation actuelle de la société qui les opprime.

3. L’argent reflue à la Banque nationale, celle-ci le prête de nouveau aux capitalistes et tous deux se partagent le profit et, en leur prêtant à vil intérêt l’argent, qui ne devient un levier industriel puissant que grâce à cette centralisation même, — le peuple augmente ainsi leur capital, leur domination directe sur lui.