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Page:Mary - Roger-la-Honte, 1887.djvu/13

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À deux ou trois reprises, Roger s’était trouvé ainsi en retard, mais il avait eu soin de télégraphier :

Ce soir, rien. Pourquoi ?

Elles revinrent à la chambre à coucher.

Une heure s’écoula.

Roger ne rentrait pas.

Henriette rêvait devant la fenêtre, demi-couchée sur la chaise longue.

Victoire avait voulu allumer. Elle s’y était opposée.

À quoi bon ? Elle n’avait pas envie de lire, et il faisait un clair de lune magnifique.

Le ciel était d’un bleu transparent, laissant deviner de lointains infinis.

Dix heures sonnèrent.

— Tu ne dors pas, chérie ? fit Henriette.

— Non, mère, dit l’enfant dont les yeux étaient grands ouverts.

— Tu ne veux pas te coucher ?

— Oh ! non, je voudrais embrasser petit père auparavant.

Henriette, tourmentée, alla s’appuyer sur le balcon, regardant vers le chemin par où Roger, venant de la gare, avait coutume d’arriver.

Suzanne, auprès d’elle, regardait aussi.

La nuit était chaude, sans nuage.

Parfois, des éclairs illuminaient l’horizon.

Peu à peu les passants étaient devenus rares.

Peu à peu, des lacs, ne montèrent plus ni cris, ni éclats de rire.

Partout le silence, maintenant.

La villa Montalais est isolée de Ville-d’Avray par des jardins et des arbres.

En face d’elle, dans les marronniers et un peu sur la gauche, est une petite maison proprette, aux contrevents verts, donnant de plain-pied sur la rue, alors que la villa, au contraire, est séparée de la rue par une pelouse constamment rafraîchie par un jet d’eau.

La maisonnette était éclairée ; les fenêtres ouvertes laissaient voir une chambre meublée d’acajou, ayant une table au milieu et, dans le fond, une sorte de bureau-secrétaire poussé contre le mur.

Onze heures sonnèrent non loin de là, à l’église du village.

Henriette eut un frisson et ses doigts s’entre-croisèrent.

— Mon Dieu ! dit-elle, que s’est-il donc passé ?

Et, s’adressant à sa fille :