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Page:Mary - Roger-la-Honte, 1887.djvu/15

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Au cri de Suzanne, il se jeta dans les marronniers, devant la maison.

Henriette, en se penchant, l’avait vu aussi.

– Roger ! Roger ! dit-elle, pourquoi es-tu en retard ?… Dans quelle inquiétude tu nous as mises, si tu savais !…

Mais l’homme, qu’il eût entendu ou non, ne répondait rien. Il se coulait maintenant, le dos baissé, dans les arbres, de tronc en tronc, en se rapprochant de la maison de Larouette.

Tout à coup, il eut à franchir un sentier. La lune l’éclaira encore…

– C’est Roger !… murmura Henriette, que fait-il donc ? où va-t-il ?

Suzanne, étonnée, se taisait, mais ses yeux suivaient son père avec une curiosité inquiète… Et la mère ne respirait plus… le cœur tordu par une angoisse… les mains crispées au fer du balcon… très pâle… les dents serrées… presque méconnaissable…

L’homme dépassa les arbres et pénétra furtivement dans la maison.

– Tiens ! fit Suzanne, père qui va chez le voisin !…

Quelques secondes se passèrent. Larouette se levait, et, debout près de son secrétaire, refermait les tiroirs à clef avec méthode et lenteur.

Tout à coup, il se passa derrière lui une chose qu’il ne vit pas, mais que, de leur balcon, distinguèrent Suzanne et Henriette.

La porte du fond venait de s’ouvrir doucement, sans aucun bruit, puisque Larouette n’avait pas entendu, et un homme qui paraissait de haute taille, très robuste, apparut soudain derrière lui, tournant le dos à la fenêtre.

La moitié du corps projetée hors du balcon, les yeux dilatés, Henriette regardait.

Qu’allait-il donc se passer là ? Est-ce que c’était Roger, vraiment ?…

L’homme leva les deux bras… les poings fermés… sur la tête nue de Larouette…

Henriette voulut crier, prévenir… mais une force supérieure à elle-même retint le cri dans sa gorge ; elle n’eut qu’un soupir rauque, une sorte de râle d’épouvante et dit seulement :

– Roger ! Roger ! Juste Dieu !…

La scène qui suivit ne dura qu’une seconde.

Les deux poings levés s’étaient abattus, mais Larouette au même instant se retournait, esquivant le coup. Il jeta un cri, un seul : « À l’assassin ! »

Il y eut une courte et atroce lutte.