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Page:Mary - Roger-la-Honte, 1887.djvu/17

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Les ténèbres s’étaient faites dans la chambre. Larouette, chétif, tenta de se défendre. Le meurtrier était un colosse. Pourtant la crainte de mourir décupla les forces de la victime. Larouette se débattit, essaya de crier.

Alors, il y eut une vive lumière, puis une détonation sourde. Et ce fut tout…

Henriette s’était reculée. Ses dents claquaient. De grosses gouttes de sueur mouillaient son front. Elle avait le regard d’une folle… Et elle répétait, haletante, dans un déchirement affreux de toute sa vie :

– Roger ! Se peut-il ! Lui !… C’est horrible !

Et voilà tout à coup qu’au milieu de son égarement lui vient la pensée de sa fille, de sa fille qu’elle a oubliée pendant les cinq minutes qu’a duré ce terrible drame… de sa fille qui, la première, avait reconnu Roger.

– Suzanne ! dit-elle.

– Mère ! fait une voix très faible, derrière elle.

Alors Henriette prend l’enfant dans ses bras avec une farouche douleur.

– Tu n’as rien vu… dit-elle, haletante, dans le désordre de son esprit… tu n’as rien vu… tu n’as rien entendu… Écoute-moi bien et comprends-moi… Il faut que tu n’aies rien vu et rien entendu.

– Non, mère, je n’aurai rien vu… je n’aurai rien entendu…

Ce n’était plus la voix de cristal pur, argentine et frêle… c’était la voix grave de la mère ; grandie soudain par un abominable spectacle, la fillette distinguait clairement l’avenir.

– Tu ne diras jamais rien ?