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Page:Mary - Roger-la-Honte, 1887.djvu/25

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Quoi qu’il arrive ! Il l’avait dit.

Elle gardait le silence. Sa gorge était serrée. Que de fois, pourtant, elle lui avait dit : « Je t’aime ! » à cet homme !… Tel qu’il était, avec sa nature abrupte et puissante, sa noire figure de forgeron – car il avait commencé ouvrier – elle l’avait ardemment aimé !… Comme elle tombait de haut, et quelle lourde chute où elle se brisait !…

– Eh bien ! fit-il pour la seconde fois, que se passe-t-il donc et qu’est-ce que tu as ? Serais-tu malade ? Je te trouve pâle et fatiguée… Pourquoi n’oses-tu me regarder ?… T’ai-je fait du chagrin sans le savoir ?… Me gardes-tu rancune pour t’avoir inquiétée hier ? Enfin, parle !

Un moment elle se redressa, pour tout dire, pour l’accuser, pour le chasser… pour lui raconter la nuit terrible… elle n’osa… Mieux valait qu’il ne se doutât pas, le malheureux, que son crime avait eu pour témoins et sa fille et sa femme ! Mieux valait paraître ne rien savoir, afin de ne pas devenir complice.

Sa fille était là, dont elle sentait peser le regard…

Elle avait dit à Suzanne, pour sauver le père si la justice l’accusait : « Tu n’auras rien vu, tu n’auras rien entendu ! »

Elle voulut montrer à l’enfant comment il fallait feindre et mentir…

– Qu’as-tu fait pour que je ne t’aime plus ?… Je t’aime !… Qu’ai-je fait pour que tu en doutes ?…

Telle était la préoccupation de Roger qu’il se contenta de cette parole et ne remarqua ni l’émotion de sa femme, ni son regard épouvanté…

Il courut à Suzanne qui, pendant cette scène, n’avait pas bougé, assise sur le bord d’une chaise.