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deur naturelle qui produit les grands talens et les grandes vertus ; car essayer d’obtenir les fruits de l’expérience, avant que le jeune plant ait poussé ses feuilles, c’est seulement épuiser sa force, et l’empêcher de prendre une forme naturelle, tout comme on altère celle des métaux, quand on dérange la cohésion attractive de leurs parties.

Dites-moi, vous qui avez étudié l’esprit humain, n’est-ce pas un étranger moyen de fixer les principes, que d’en montrer aux jeunes gens le peu de stabilité ? Comment les fortifier par l’habitude, quand l’exemple en aura prouvé la fausseté ? Quelle nécessité d’étouffer ainsi l’ardeur de la jeunesse, et de couper jusqu’au vif, l’exubérance de l’imagination ? Cette précaution stérilisante peut, à la vérité, préserver des excès ; mais, à coup sûr, elle arrête les progrès des vertus et des lumières[1]. Le soupçon, en montrant des

  1. J’ai déjà observé que la connoissance prématurée du monde, obtenue par une voie naturelle, c’est-à-dire, en le pratiquant de bonne heure, produit le même effet : j’ai cité en exemple les militaires et les Femmes.