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propres passions, avant qu’ils puissent évaluer la force de la tentation qui a conduit leurs frères dans le vice. Ceux qui entrent dans la vie, et ceux qui la quittent, voyent le monde sous des points de vue si différens, qu’il est rare qu’ils puissent penser de même, à moins que la raison non-développée des premiers ne se soit jamais hazardée à voler de ses propres aîles.

Quand nous entendons parler de quelque crime audacieux, il se présente à nous couvert de turpitude, et excite notre indignation ; mais l’œil, accoutumé graduellement à en pénétrer la profondeur, ne peut se défendre d’un sentiment de compassion. Un spectateur immobile ne voit pas le monde ; il faut se mêler dans la foule, et sentir comme les autres sentent, avant de juger leurs sentimens : en un mot, si nous voulons vivre dans le monde, devenir plus sages et meilleurs, et ne pas nous borner uniquement à jouir des bienfaits de la vie, il faut que la connoissance des autres soit liées à la nôtre. Tout autre mode d’instruction ne fait qu’endurcir le cœur et troubler l’entendement.

On me dira peut-être que l’instruction