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Page:Masoin - Nadine, 1914.djvu/118

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Et qu’il n’a pas encor perdu le souvenir
De la cruelle enfant qui le fit tant souffrir.

Sur les eaux de l’Escaut lentement le navire
Comme un cygne s’avance, et des vapeurs se mirent
Laiteuses dans les flots, tandis que des vaisseaux
Dans le brouillard tissant leurs mâts et le réseau
De leurs cordages bruns vont aux plages lointaines.
Comme un rêve, glissant leurs formes incertaines.
Et voici que soudain, triomphant, surgissant
De l’aube au voile épais, joyeux comme vingt ans
S’élançant beaux et forts à l’assaut de la vie.
Apparaît le soleil. Sa jeunesse ravie
Rayonne en balayant de son panache d’or
Les brumes, les vapeurs, élargissant les bords
Du fleuve étincelant des franges de sa robe.
Des matins embrumés les voiles se dérobent.
Puis, uniformément, s’étend à l’infini
La plaine où sont semés des clochers dans des nids,
Des toits et des bouquets de peupliers tranquilles ;
Et là-bas, tout là-bas, ainsi qu’un mât, s’effile
Une tour. Pierre la reconnaît, c’est la tour
Notre-Dame d’Anvers que caresse le jour.
Il la fixe, immobile, et ses deux yeux se voilent
De pleurs silencieux. Elle est pour lui l’étoile
Dans la nuit des douleurs ; elle est pour lui le port
Et la terre natale où ce qu’il aime encor



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