Page:Masoin - Nadine, 1914.djvu/39

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Partout autour de vous. Quoi ! le fils du meunier
Descendre jusqu’à moi ? M’épouser ! Vous riez ?
Non, Pierre, ce bonheur auquel j’avais pu croire
Et rêver un moment — parfois la vie est noire
Et l’âme s’abandonne aux espoirs les plus fous —
Ce bonheur que je vois posé à mes genoux
N’est pas pour moi. Non, Pierre, il n’est pas pour Nadine !
Voyez donc qui je suis. Sans nul bien, orpheline,
N’ayant d’autre foyer que celui que m’offrit
Une sœur de ma mère ; et puisqu’elle me prit
Près d’elle en sa demeure, abritant mon enfance
Malgré qu’elle fût pauvre, il me reste, je pense,
À suivre à ses côtés le chemin de ses jours,
Afin qu’aux soirs de neige, étant vieille à son tour,
Je lui rende, au seuil de son tombeau, les caresses
Qui furent sans compter les uniques richesses
Dont elle enveloppa le ciel de mon berceau.
Ainsi je coulerai mes jours comme un ruisseau,
Doucement, ne cherchant qu’à semer de la joie
Auprès des pauvres gens que le malheur rudoie ;
Et plus tard, s’il le faut, j’engagerai mes bras.
Vous serez marié ; vous aurez, n’est-ce pas,
oublié votre amie auprès d’une autre femme ?

— Quoi ? Nadine, alors que j’ai versé mon âme
Aux pieds de l’espérance, il n’est point d’autre mot
Que tu puisses trouver ? Te faut-il des sanglots,



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