Page:Masoin - Nadine, 1914.djvu/46

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Car l’hiver est venu. Il neige sur la terre,
Il neige sur les prés, sur les bois solitaires ;
Il neige sur les toits capuchonnés de blanc.
La rivière plaintive allonge son ruban
Comme une lave d’ombre à travers la campagne
Immense de blancheur. Le chant qui l’accompagne.
Coule comme un sanglot à travers les roseaux
Et des frissons de froid écument sur les eaux.
Au devant des maisons qui ont fermé leurs portes,
Comme de lourds coffrets où sont des choses mortes,
Des gamins ont tendu pour les moineaux goulus
Parmi les pailles d’or des pièges à la glu.

Le moulin cependant tourne, tourne sans cesse,
Et sous la vanne ouverte en grondant l’eau se presse,
on dirait qu’il ressemble avec son manteau blanc
Au bonhomme Noël. Partout en fils d’argent,
Pend la glace fragile, et l’on entend les roues,
Et l’on entend la meule. Elles courent, elles jouent
Comme dans du velours. Les merles vagabonds
Semblent dire en passant : Ah ! qu’il doit faire bon
Dans ce nid ! Le meunier va et vient ; sa main plonge
Dans les hauts tas de son légers comme une éponge ;
Il caresse des sacs le ventre rebondi,
Il palpe la farine et sa figure dit
Tout son contentement. Vers l’étage il s’avance.
Là, comme des pendus hissés à la potence



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