Page:Masoin - Nadine, 1914.djvu/47

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.


Apparaissent les sacs par la chaîne étranglés
Et les diables bruyants roulant sur les planchers
Les mènent au grenier dans un bruit de tonnerre.

Hélas ! comme ils s’en vont ces moulins solitaires
Qui riaient au soleil assis dans les vallons
Comme des nids de paix à l’ombre des chansons !
Ruches où murmurait comme un travail d’abeilles
À l’heure où le printemps en chantant se réveille.
Comme ils s’en vont ! Un jour on ne les entend plus ;
Le silence revêt les planchers vermoulus,
La porte reste close et la roue immobile.
Dans les sacs ventrus, pleins de farine subtile,
Le meunier, pipe aux dents, ne plonge plus la main.
C’est que les grands moulins de Tournai, de Louvain,
Font plus de bruit et vont plus vite ; leurs mâchoires
Broient sans trêve les blés en poussière d’ivoire.
Vaincus par le progrès les autres se sont tus,
Mais avant de mourir ils se sont revêtus
Du voile des flocons qui volaient des trémies
Et ils dorment en paix dans leur mélancolie.

Mais, en ce temps lointain, le moulin prospérait
Abritant son bonheur sous l’ombrage discret,
Et le meunier debout au seuil de sa demeure
Regardait sur la route arriver à chaque heure
Les lourds chariots de blé grinçant sur leurs essieux.
Et c’était dans la cour un spectacle joyeux



45