Page:Masoin - Nadine, 1914.djvu/96

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S’assourdissent dans l’air. Le pilote à la barre
Attend qu’on ait rompu les dernières amarres.
Un ordre !… C’est fini, et, détaché du bord.
Le navire s’en va, doucement, sans effort,
Vers la plaine là-bas, monotone et cendrée,
Tandis que Pierre sur le pont, l’âme navrée,
Regarde s’éloigner les rives du pays
Et mourir peu à peu sur les horizons gris,
Comme en fermant les yeux, la tour de Notre-Dame.
Il était seul dans l’ombre où sanglotait son âme
Et nulle main, de la rive, n’avait jeté
En touffes les adieux de la fidélité.
Ah ! si Nadine l’avait su !
Ah ! si Nadine l’avait su !Au large ! au large !
Beau navire, fends les vagues, mène la charge
À travers les sillons d’émeraude ou d’azur
Où sur les algues flotte un air limpide et pur !

Oh ! s’en aller, s’enfuir aux rives étoilées
Où tendent nos désirs et nos voiles gonflées
Aux rames de l’espoir et des bonheurs dorés,
Comme s’en vont fougueux les navires cabrés !
… Et rester au rivage ! alors que nous attirent
Les paradis lointains de parfums et de myrrhe
Où les étoiles d’or à pas harmonieux
Descendent les degrés de la maison de Dieu !


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