Page:Massé - À vau-le-nordet, 1935.djvu/130

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
128
à vau-le-nordet

individu d’une main tandis que de l’autre, elle s’ingénie à briser ses fers. Et on ne peut pas dire que sa main gauche ignore ce que fait sa main droite.

Du fair play aux accusés, oui, j’en suis, mais en faut aussi à la société.

Supposition : un automobiliste tamponne ta Ford sur la route et te tue, ce qu’à Dieu ne plaise. Ma tante Vitaline réclame des dommages et, ce qu’à Dieu plaise, a gain de cause. Toutefois, si le coupable choisit un procès civil par jury, il faudra que neuf des jurés se prononcent pour ma tante ! Si le chauffard a 4 des 12 jurés ou même un seul s’il n’en siège que 9, patatras, ma tante !

Sur ces entrefaites, moi, ton neveu, en gratitude du legs que tu m’as fait dans ton testament, je porte plainte de manslaughter contre le misérable. Eh bien ! pour que ce chenapan soit trouvé coupable, il faudra que neuf grands jurés et tous les douze petits jurés soient d’avis de le condamner. Et même dans ce cas — la sensiblerie gagne parfois toute la robinocratie — le juge pourra imposer une sentence dérisoire de quelques jours pour ce crime infâme d’onclicide.

Je badine, mais je ne ris pas… Tout de même, je suis sans doute ridicule, car comment pourrais-je avoir raison contre les Solons éclairés et l’expérience des siècles.

Jusqu’à plus ample informé, je me demande si