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les fonctionnaires
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La plupart des fonctionnaires sont des gagne-petit, ce qui équivaut à dire des gens désintéressés, des gens qui se contentent de peu, qui bourlinguent du matin au soir sans songer à proportionner les services qu’ils rendent aux émoluments qu’ils touchent.

Pas de grève chez eux, pas même de grève perlée, pas de syndicats, « pas de trade-unions ». Insensibles aux appels des meneurs ou des idéologues, ces prolétaires, sans avoir une horreur fanatique pour le vil métal, ont l’âme assez idéaliste pour reléguer à l’arrière-plan cet utilitarisme outrancier qui rend l’existence si prosaïque.

La discipline, l’ordre, la bonne tenue, l’économie, la sobriété sont caractéristiques chez eux. Les mamans recherchent pour gendres les jeunes fonctionnaires, gens rangés qui ont une situation, les mains blanches et la raie bien dessinée. Dans le baedeker kébécois le fonctionnaire est, toutes choses égales d’ailleurs, coté immédiatement après le « professionnel », ce qui n’est pas peu dire.

La régularité de leurs habitudes, la stabilité de leur budget domestique rayonnent, pour ainsi parler, dans le cycle où ils évoluent et font des fonctionnaires non seulement, comme on l’a reconnu, la providence du boulanger, du boucher, du laitier et du « petit épicier du coin » mais aussi l’un des plus solides soutiens de l’édifice économique kébécois.