travers les buissons. Quand il n’avait pas l’aubaine de pareille retraite stratégique, il prenait le parti de paraître, de guerre lasse, se rallier aux badauds, à la masse des gens qui trouvent incommode et fatigant d’avoir à penser par soi-même. Il prenait alors une mine désabusée et concluait, en guise de péroraison : — Après tout, il est certain qu’il vaut mieux de toute façon être fou avec tous que sage tout seul.
Avaleur de frimas, idéologue, iconoclaste, songe-creux, Félix Maderleau était peut-être et même sans doute tout cela. Mais si j’ai donné l’impression qu’il était un vulgaire fumiste, c’est que j’ai mal réussi à dessiner ce caractère.
Je vous concède qu’il avait le ton tranchant du mousquetaire, mais il était, au fond, sincèrement épris de vérité. En poussant à la limite extrême la discussion des théories ou des idées, en agitant jusqu’à épuisement le pour et le contre des questions, il recherchait la lumière. La vérité, répétait-il souvent, est ambulatoire. Question d’époques, de temps, de lieux et de personnes. Il n’y a de vrai que ce dont on est convenu. The King can do no wrong ! Roma locuta est ! Hors de là, chacun a raison, personne n’a tort.