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après le rêve, le réveil

turlute volontiers quelque couplet de Bérenger ou même chansonne assez cruellement les « chouaguens ». Vif, présomptueux, impatient, volontaire, il a les qualités de son âge, bonnes et mauvaises. Il est le type de l’étudiant, non pas du bizut naif et benêt, mais du maître ès-brimades, crâneur et turbulent à qui on ne la fait plus. Regardez cet œil vif sous ce front massif et vous conviendrez qu’il y a là une intelligence plus qu’ordinaire.

À Saint-Pie, les fugitifs ne courraient guère de danger, de danger immédiat du moins. Ils y comptaient des amis sûrs et dévoués comme Charles Drolet, leur hôte, Barthélémy Dupont, le notaire Paré, François Chicoine, etc., Le curé Larocque, pour les sauver de l’exil, leur offrait sa médiation auprès des autorités. Mais l’heure n’était pas encore venue et les conciliabules qu’on tint ne firent que confirmer la résolution prise à Saint-Césaire de passer la frontière. Après un répit de quelques jours consacrés au repos et aux préparatifs, le parti se remettait en route le mercredi après-midi, 6 décembre.

Nous avons laissé nos gens, hier, à Saint-Pie, dans l’hospitalière demeure de Charles Drolet. Nous les retrouvons, ce jeudi matin, 7 décembre, dans l’auberge de Frank Bean, ainsi que la clientèle persiste à appeler François Lefevre, au Coin de Milton, (selon l’anglicisme en cours) c’est-à-dire à Milton Corners, à la bifurcation des chemins dont l’un gagne le haut du canton et l’autre conduit à Roxton.

Nos chasseurs sont arrivés de la veille au soir et se sont mis consciencieusement à parler gibier avec un groupe de flâneurs qui fument la pipe dans la salle, en avant, tout en dégustant un petit verre lorsque l’occasion s’en présente, c’est-à-dire lorsque quelque voyageur régale. Ce groupe se compose surtout de Canadiens et d’Irlandais du voisinage. L’auberge est leur lieu