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massé… doine
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Le même jour, voulant avoir le mot de ce que nous considérions une passionnante énigme, j’allai porter ma trouvaille au Père Édouard qui était le Salomon de nos querelles, un Larousse profusément illustré ad usum delphini, l’oracle omniscient et infaillible que nous importunions sans cesse de questions et qui trouvait réponse à tout, tant bien que mal.

Celui que son humeur débonnaire à l’égard des enfants avait fait surnommer le Père Édouard était un petit vieux septuagénaire qui souriait toujours. Le sourire du Père Édouard c’était, en même temps qu’un poème, une véritable étude de physionomie. C’était un sourire à la saint Nicolas, c’est-à-dire une illumination de toute la figure, un épanouissement général des traits. Ses lèvres s’entrouvraient dessinant, aux commissures, deux parenthèses dont les arcs se perdaient dans le flou des favoris. Des pattes d’oie semblaient deux astérisques qui accentuaient l’esprit dont pétillait son regard. Les narines elles-mêmes se gonflaient drôlement comme dilatées par quelque poussée d’hilarité. Que dis-je, les rides circonflexes de son front esquissaient des effets bizarres de fou rire ou de sereine gaieté.

Pourtant, le Père Édouard avait connu des jours de deuil, des heures d’adversité. On ne double pas le cap de la septantaine sans avoir essuyé de violentes tempêtes, donné sur bien des écueils… Je le sus plus tard, le Père Édouard avait eu sa large part des déboires et des épreuves de la vie, mais jamais sa physionomie n’avait trahi ses souffrances morales. Le malheur n’avait pu aigrir sa belle nature et lui enlever cette équanimité que tout le monde lui enviait.

Oh ! il y avait peut-être bien dans ce sourire (aussi rebelle à l’analyse que celui de la Joconde) un peu de désenchantement et de désillusion, mais le tout était si heureusement édulcoré de sage philosophie, si habilement dosé de charité chrétienne que la fine ironie de ses propos n’avait rien de mordant ou de caustique et déridait à coup sûr les plus taciturnes,