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une cause célèbre

à coup sûr de croire que « magna est veritas et prævalebit ». Cette maxime n’a guère plus cours que chez les hommes de bonne volonté et leur nombre est en constante décroissance.

Guyon allait-il à l’église ? Remplissait-il régulièrement ses devoirs religieux ? Payait-il sa dîme ? Récriminait-il contre la répartition ? Nous n’en savons rien et peu vous en chaut sans doute. Et s’il eut maille à partir avec son curé, vous n’allez pas, pour cela, croire qu’il fut un pendard ou un mécréant, vu qu’il s’agit d’un différend d’un caractère purement temporel.

Guyon avait un frère et ce frère vint à mourir comme il arrive parfois même à Sainte-Cécile de Milton. Pour une raison ou pour une autre que nous n’avons pas cherché à approfondir, ce fut Pierre-Honoré qui s’occupa des funérailles, commanda le service funèbre et, détail important, fournit lui-même les cierges. Et comme l’officiant s’en retournait à la sacristie après avoir récité le dernier requiescat, notre homme, devançant le sacristain, s’empressa d’éteindre les cierges, de les enlever des ifs autour du catafalque et de les emporter chez lui.

Comme bien on pense, cette façon d’agir scandalisa les assistants et, fort de l’approbation de ses paroissiens, M. le curé décida de sévir contre ce qui parut une abominable profanation du saint lieu.

Fut-il bien ou mal avisé ? Ce n’est pas de cette espèce qu’il s’agit. Peut-être eut-il été plus conforme à la mansuétude évangélique, croiront les uns, de passer outre, d’ignorer cette inconvenance inspirée sans doute par le ressentiment ? Peut-être le curé se laissa-t-il guider par le dépit plutôt que par le souci du respect de l’autorité religieuse ou du décorum ecclésiastique. Sans doute jugea-t-il sage, opineront d’autres, de punir une insolence en servant à son paroissien la monnaie de sa pièce : à chair de loup sauce de chien ? Estima-t-il qu’il devait, pour l’édification des fidèles, réprimer une insubordination sacrilège, se rappelant qu’il suffit d’un moine paillard pour dérégler tout le couvent ?