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massé… doine
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comme un ours captif du Parc Lafontaine, a-t-on jamais entendu parler de chose pareille ?

Pourtant, je n’invente rien. L’ilôt flottant ou mouvant de Waterloo est une curiosité connue et constatée. Je vous accorde que ses pérégrinations ne sont pas d’occurrence très fréquente. La dernière remonte, si j’ai bonne mémoire, à une quinzaine d’années. Les annales ou la tradition en notent une douzaine depuis 1812 alors que le phénomène fut constaté pour la première fois. Peut-être y en a-t-il eu davantage, car les choses les plus inouïes, à force de se répéter, finissent par émousser l’étonnement, et peut-être les Waterloois n’ont-ils pas tenu un compte très exact des fugues de leur ilôt nomade.

Cette étendue de terre se trouvait originairement à l’ouest du lac. Elle était alors boisée. Ce bois a depuis longtemps, disparu et l’ilôt est aujourd’hui couvert de brousse seulement, à raison peut-être d’un humus trop peu substantifique. En se détachant de la terre ferme, l’ilôt y laissa une échancrure et c’est de là qu’est résultée la Pointe Jamieson.

Une pièce de terre boisée qui fiche le camp, vous comprenez que cela dût intriguer, dans le temps, les colons du voisinage. C’est qu’il y avait vraiment de quoi éveiller la curiosité des moins badauds, exciter l’imagination la plus terne.

Et puis, il n’y a pas que l’intérêt platonique. Un lopin de terre qui déguerpit un bon jour, sans dire pourquoi, c’est assez inquiétant. Pour peu qu’un exemple aussi pernicieux se propage, c’en est fait de toute une ferme !

La surprise devint de la stupéfaction quand on s’aperçut que l’ilôt ainsi formé n’était pas stationnaire, qu’il flottait, qu’il se mouvait, pour ainsi dire. De fait, il traversa le lac et alla accoster le côté opposé. Le colon vit arriver sans enthousiasme ce visiteur et ne conçut aucune joie à cet accroissement de son bien. Au surplus, le séjour de l’intrus fut de courte durée et il a depuis abordé, si l’on peut dire, à tous les endroits du rivage sans cepen-