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Est-ce Pitys qui pleure sur le sein de Niobé ? — deux grandes douleurs qui sympathisent. Est-ce Atys qui se complaint à la jalouse Cybèle ? Est-ce plutôt quelque sentinelle mystérieuse qui monte la garde ou bien la patronne sainte qui veille sur la ville endormie ?

Que dis-je, cette apparition nimbée de givre, qui étend sur nous des bras qui bénissent, c’est la vierge victimale de Mena’sen, c’est la pucelle de Guarfil !

La nuit est calme ; tout est silence. Écoutez son langage mystique : « J’ai aimé, j’ai souffert ; ce fut toujours la vie ! Puissiez-vous ne pas souffrir, mais gardez-vous de ne pas aimer ! »

O. M.
Sherbrooke, mars 1904.

Nota. — Sherbrooke, 29 novembre 1913. — (novembre, mois luctueux ! 13, chiffre fatidique !) Un des plus chers souvenirs historiques de notre population a été détruit, dimanche matin (23), alors qu’une bourrasque a renversé de son rocher le vieux pin pittoresque qui dominait, depuis le temps des Abénaquis, notre rivière Saint-François. L’arbre s’est brisé près du pied et une partie a été entraînée par le courant.

Ce vieux pin que l’on disait plusieurs fois centenaire prenait racine dans la crevasse d’un roc énorme sis au milieu de la Saint-François, vis-à-vis notre ville, le « Rocher au pin solitaire », comme on l’appelle.

Des ingénieurs forestiers qui ont examiné la souche affirment que, d’après les zones ligneuses concentriques qu’ils y ont notées, cet arbre devait avoir au moins deux cents ans d’existence.

Ce pin séculaire a vu grandir Sherbrooke, de petite bourgade à la cité industrielle d’aujourd’hui. Chaque année, des milliers de personnes venaient voir notre vieux pin. C’était là une attraction que nous n’aurons plus à faire admirer à nos visiteurs.

C’est pour cela et à cause des légendes qui se rattachent au rocher que la disparition du pin vénérable a contristé notre population comme la perte d’un être familier. (Les journaux).