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Soudain, Maugras cessa de frapper, dressa la taille et, prêtant l’oreille, fit signe à son compagnon de se tenir coi. S’arrondissant les deux mains en conques derrière les oreilles et se tournant dans la direction de la maison, il perçut un signal : Ha-ou… ha-ou… !

Il saisit aussitôt une espèce de porte-voix fait d’écorce de bouleau recoquillée et séchée, emboucha l’appareil et, gonflant la poitrine, répondit à son tour : Ha-ou… ha-ou… !

— De quoi peut-il donc s’agir, se dit Maugras, inquiet, soucieux… Vite, passe-moi mon capot et allons voir ; on ne sait pas !…

Tandis que tous deux endossaient de lourdes pelisses en peau d’ours, Maugras paraissait songeur et c’est d’un pas hâté qu’il prit la direction de sa maison, sans presque échanger, en cours de route, de paroles avec son compagnon, tellement l’appréhension d’un danger possible pour les siens lui tenaillait le cœur.

Et pourtant, Maugras s’efforçait de s’arraisonner, se disant que les siens ne pouvaient courir aucun péril. En plein cœur d’hiver, jamais les Bastonnais ne se seraient aventurés à Saint-François. D’ailleurs, en cas d’alerte, on n’aurait pas manqué de tirer des coups de feu pour rassembler les hommes, surtout si l’on considère qu’on venait d’artiller le fort de deux pièces toutes neuves. Serait-ce, par hasard, que les Abénaquis se fussent procurés de l’eau-de-vie et fussent devenus noiseux ?

Maugras ne savait à quelle conjecture s’arrêter. Il était si extraordinaire que sa femme l’appelât à moins qu’il ne s’attardât pour le dîner ! Or, il s’était, par deux fois, arrêté pour se rendre compte, par le soleil, de l’heure qu’il pouvait bien être et il avait constaté qu’il ne passait pas dix heures.