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Robert Gardner avait vingt-cinq ans. La vie jusque là ne l’avait pas gâté ; il en avait goûté plutôt l’amertume que les douceurs. Pourtant, ces traverses ne l’avaient pas aigri, la déception n’avait pas tari en lui les sources vives de l’enthousiasme et de l’espoir. Il rêvait, lui aussi, d’amour, de bonheur, d’avenir ensoleillé !

Du reste, Alice Morton en faisait rêver bien d’autres !

Grande, élancée, l’ovale de la figure encadrée d’une chevelure blonde bien fournie, des yeux qui fascinent et caressent, la démarche aisée, la toilette simple, telle était celle dont l’image hantait l’esprit du jeune homme.

Les jeunes gens étaient très populaires à Deerfield et les voisines trouvaient que, vraiment, ils tardaient bien à se présenter devant le pasteur pour la grande cérémonie. Aussi bien, Robert Gardner venait d’être choisi ancien d’église et l’on s’attendait à des noces solennelles.

Il y avait, dans la figure de madonne d’Alice, dans la forme gracile mais nerveuse de ce corps de vierge, de quoi faire vibrer l’âme, neuve aux impressions, du jeune homme. Le sentiment que lui avait inspiré la jeune fille était pur. Il lui avait avoué ingénuement son amour non sans un certain trouble qui avait fait trembler la voix du timide colosse.

Sa franchise, sa gaucherie même avaient touché le cœur d’Alice qui avait deviné dans Robert une nature courageuse et énergique, exubérante de sève et d’affection inassouvie.

C’était à une fête champêtre de charité qu’ils s’étaient rencontrés pour la première fois et cette scène de la jeune fille assise avec des compagnes sur un banc rustique, à l’ombre de pins touffus était restée, ineffaçable, dans la mémoire de Robert.