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Qui n’a pas présente à l’esprit quelque toile ou quelque gravure à peine entrevue, il y a longtemps ? Qui n’admire pas, du lointain de son enfance, quelque tableau idyllique dont l’imagination et le cœur toujours se ressouviennent ? Figurez-vous une héroïne de Hals dans un décor de Ruysdael. Telle était la radieuse image qui déridait le jeune maréchal-ferrant à son enclume !

Alice et Robert étaient bien faits pour s’aimer : aussi s’étaient-ils vite connus et jugés.

Alice avait perdu son père au combat d’Haver Hill. Il lui restait sa mère qui adorait cette enfant unique. La jeune fille avait vite deviné combien son Robert, privé de l’amour et des caresses d’une mère, avait dû souffrir et quelle faim d’affection il devait éprouver.

L’amour de la jeune fille s’accroissait en s’apitoyant. L’instinct maternel qui sommeille dans le cœur de toute femme lui représentait Robert orphelin, malheureux, et son amour s’ingéniait à le rembourser des arriérés d’affection que lui devait la destinée.

En présence de sa mère, ils s’étaient fiancés et le mariage avait été fixé pour le printemps. Comme il leur tardait d’être l’un à l’autre ! Comme elle rêvait douillet le petit nid qui abriterait leurs amours ! Comme il travaillait sans relâche pour entourer sa bienaimée de confort, pour la gâter et la rendre heureuse !

Et tandis que son bras nerveux pressait le soufflet, son œil distrait évoquait, dans les feux et les étincelles dont s’irradiait la forge, des visions attendries de bonheur conjugal et de paix domestique.