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Peu à peu, il sort de cette transe, esquisse des gestes dénotant la surprise, l’étonnement d’un être qui reprend ses sens après une crise cataleptique et, trouvant, à portée, un calumet, il l’allume et commence à pétuner. Tous les assistants en font autant et la conversation, commencée d’abord par un susurrement effacé qui s’inquiète de rompre le charme, devient bientôt d’une volubilité qui atteste la détente des nerfs.

Et tandis que les squaws attisent les feux, les musiciens mettent au diapason chichicouanes et tams-tams, orchestre que complètent (quelques timbales faites de thorax distendus recouverts de peau séchée avec, pour baguettes, des tibias grêles.

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On dansa longtemps autour des feux dont la flamme, alimentée de cèdre et de sapin, illuminait toute la voûte feuillue du bois. Jamais les antiques cassolettes fumant d’encens capiteux et aphrodisiaques n’exhalèrent fragrances plus suaves que le fumet des fritures mêlé aux résines que la flamme volatilisait et dont se délectaient les assistants. Ce n’est qu’aux premières lueurs de l’aurore que musiciens et danseurs, harassés, fourbus en même temps que affamés, signifièrent aux squaws qu’il était à propos de commencer le festin…

Soudain, un cri retentit de l’Isle-au-Feu. Tous les yeux se tournent dans la direction d’où il est parti. À quoi bon, une brume légère monte de l’Alsiganteka et empêche de voir. Mais ce voile ne saurait tarder à disparaître, car voici le soleil qui se lève. Petit à petit, en effet, le brouillard se dissipe et révèle aux cent yeux braqués en amont la nappe claire du fleuve qu’une légère brise matutinale plisse à peine. Un nouveau cri retentit et les yeux qui