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Fais la vie longue, grand esprit, aux enfants des fils de Taksous et fais-les tourner trois fois à droite et trois fois à gauche autour de Mena’sen ;

Fais nombreux comme les feuilles, au temps d’automne[1] les fils de nos fils, et leurs squaws fécondes comme les arbres au temps des bourgeons[2] ;

Rapides à la chasse comme la flèche de Nescambi8it[3] et féroces à la guerre et fermes dans les supplices ;

Ô toi qui connais toutes les choses cachées !

Car il fait nuit en nous et tes fils les plus vieux comprennent ton langage et te parleront pour tes fils les plus jeunes…


La voix s’infléchit profondément au point de devenir à peine audible. Le ton se fait de plus en plus suppliant. Ce ne sont plus des incantations révoltées qui objurguent, ce sont des doléances qui exorent. La rancœur un instant réveillée capitule devant l’indolence et le fatalisme.

Bientôt, la voix se tait tout à fait et le sked8a8asino reste immobile, le chef retombé sur sa poitrine oppressée, comme abîmé dans des pensers profonds, insondables, devant lesquels son âme désemparée se sent prise de vertige.

  1. « pénibagos », littéralement : au temps des feuilles tombantes, époque qui, dans le calendrier abénaquis, correspondait à notre mois d’octobre.
  2. « kikos » correspondant à mai.
  3. farouche guerrier.