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Page:Massenet - Mes souvenirs, 1912.djvu/150

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MES SOUVENIRS

bon sourire, et comme ravi, croyant que je lui apportais des nouvelles de notre Phœbé :

— C’est terminé ? me fit-il.

À ce bonjour, je ripostai illico, d’un ton moins assuré :

— Oui, c’est terminé ; nous n’en reparlerons plus jamais !

Un lion mis en cage n’eût pas été plus penaud. Ma perplexité était extrême, je voyais le vide, le néant, autour de moi, le titre d’un ouvrage me frappa comme une révélation.

Manon ! m’écriai-je, en montrant du doigt le livre à Meilhac.

Manon Lescaut, c’est Manon Lescaut que vous voulez ? — Non ! Manon, Manon tout court ; Manon, c’est Manon !

Meilhac s’était depuis peu séparé de Ludovic Halévy ; il s’était lié avec ce délicieux et délicat esprit, cet homme au cœur tendre et charmant qu’était Philippe Gille.

— Venez demain déjeuner chez Vachette, me dit Meilhac, je vous raconterai ce que j’aurai fait... En me rendant à cette invitation, l’on devine si je devais avoir au cœur plus de curiosité émue que d’appétit à l’estomac. J’allai donc chez Vachette, et, là, inénarrable et tout adorable surprise, je trouvai, quoi ? sous ma serviette... les deux premiers actes de Manon ! Les trois autres actes devaient suivre, à peu de jours.

L’idée de faire cet ouvrage me hantait depuis longtemps. C’était le rêve réalisé.