C’était un homme de grand mérite, doué d’un caractère charmant. Sa physionomie expressive, spirituelle et ouverte, rappelait assez bien celle de l’aîné des Coquelins. Il était entre les premiers, de ces chers et bons amis que j’ai connus, dont un long sommeil, hélas ! a clos les paupières, et qui ne sont plus là, ni pour moi, ni pour ceux qui les aimaient.
Notre Salomé d’alors, Marthe Duvivier, qui avait continué à chanter ce rôle, dans Hérodiade, pendant toute la nouvelle saison, était allée se fixer durant l’été dans une maison de campagne près de Bruxelles. Mon ami Frédérix m’entraîna un jour chez elle, et, comme j’avais sur moi les manuscrits des premiers actes de Manon, je risquai devant lui et notre belle interprète une audition tout intime. L’impression que j’emportai de cette audition me fut un encouragement à poursuivre mon travail.
Si j’étais retourné en Belgique, à cette époque, c’est qu’une invitation à aller en Hollande m’avait été faite dans des conditions certainement amusantes.
Un monsieur hollandais, grand amateur de musique, d’un flegme plutôt apparent que réel, comme parfois nous en envoie le pays de Rembrandt, me fit la visite la plus singulière, la plus inattendue qui soit. Avant appris que je m’occupais du roman de l’abbé Prévost, il m’offrit d’aller installer mes pénates à la Haye, dans l’appartement même où avait vécu l’abbé. J’acceptai l’offre et j’allai m’enfermer — ce fut pendant l’été de 1882 — dans la chambre qu’avait occupée l’auteur des Mémoires d’un homme de qualité. Son lit, grand berceau en forme de gondole, s’y trouvait encore.