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MES SOUVENIRS
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non... J’avais la gorge aussi sèche que la parole ; je sortis sans dire un mot.

Le lendemain, horresco referens, oui, le lendemain, j’en suis encore atterré, l’Opéra-Comique n’existait plus ! Un incendie l’avait totalement détruit pendant la nuit. Je courus auprès de Carvalho. Nous tombâmes dans les bras l’un de l’autre, nous embrassant et pleurant… Mon pauvre directeur était ruiné !… Inexorable fatalité ! L’ouvrage devait attendre six années dans le silence, dans l’oubli.

Deux années auparavant, l’Opéra de Vienne avait représenté Manon ; la centième y fut atteinte et même dépassée en très peu de temps. La capitale autrichienne me faisait donc un accueil fort aimable et des plus enviables ; il fut tel, même, qu’il suggéra à Van Dyck la pensée de me demander un ouvrage.

C’est alors que je proposai Werther. Le peu de bon vouloir des directeurs français m’avait rendu libre de disposer de cette partition.

Le théâtre de l’Opéra, à Vienne, est un théâtre impérial. La direction ayant fait demander à S. M. l’empereur de pouvoir disposer en ma faveur d’un appartement, celui-ci me fut très gracieusement offert à l’excellent et renommé hôtel Sacher, situé à côté de l’Opéra.

Ma première visite, en arrivant, fut pour le directeur Jahn. Ce doux et éminent maître me mena au foyer des répétitions. Ce foyer est un vaste salon, éclairé par d’immenses fenêtres et garni de majestueux fauteuils. Un portrait en pied de l’empereur François-Joseph en orne un des panneaux ; dans le centre, un piano à queue.