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MES SOUVENIRS

Tous les artistes de Werther se trouvaient réunis autour du piano, lorsque le directeur Jahn et moi nous entrâmes dans le foyer. En nous voyant, les artistes se levèrent, d’un seul mouvement, et nous saluèrent en s’inclinant.

À cette manifestation de touchante et bien respectueuse sympathie — à laquelle notre grand Van Dyck ajouta la plus affectueuse accolade — je répondis en m’inclinant à mon tour ; et, quelque peu nerveux, tout tremblant, je me mis au piano.

L’ouvrage était absolument au point. Tous les artistes le chantèrent de mémoire. Les démonstrations chaleureuses dont ils m’accablèrent dans cette circonstance m’émurent à diverses reprises, jusqu’à sentir les larmes me venir aux yeux.

À la répétition d’orchestre, cette émotion devait se renouveler. L’exécution de l’ouvrage avait atteint une perfection si rare, l’orchestre, tour à tour doux et puissant, suivait à ce point les nuances des voix que je ne pouvais revenir de mon enchantement :

la ! Göttlicher Mann !… (Oui, homme aimé de Dieu !...)

La répétition générale eut lieu le 15 février, de neuf heures du matin à midi, et je vis (ineffable et douce surprise !) assis aux fauteuils d’orchestre, mon bien cher et grand éditeur Henri Heugel, Paul Milliet mon précieux collaborateur, et quelques intimes de Paris. Ils étaient venus de si loin, pour me retrouver dans la capitale autrichienne, au milieu de mes bien grandes et vives joies, car j’y avais été vraiment reçu de la plus flatteuse et exquise manière.

Les représentations qui suivirent devaient être la