cet ouvrage, en trois actes, fut le chant du cygne du génial Benjamin Godard. Ah ! le cher grand musicien, qui fut un vrai poète dès son enfance, aux premières mesures qu’il écrivit ! Qui ne se souvient de ce chef-d’œuvre : le Tasse ?
Un jour que je me promenais dans les jardins du sombre palais des ducs d’Este, à Ferrare, je cueillis une branche de lauriers-roses en fleurs, et je l’envoyai à mon ami. Mon souvenir rappelait l’incomparable duo du premier acte du Tasse.
Pendant l’été 1893, j’étais allé avec ma femme m’installer à Avignon. La Ville des Papes, la « terre papale », ainsi que disait Rabelais, devait m’attirer presque autant que l’avait fait la Rome antique, cette autre cité des papes.
Nous habitions l’excellent Hôtel de l’Europe, place Grillon. Nos hôtes, M. et Mme Ville, de bien dignes et obligeantes personnes, furent pleins d’attentions pour nous. Cela m’était fort nécessaire, car j’avais besoin de tranquillité, écrivant alors la Navarraise, l’acte que m’avaient confié Jules Claretie et mon nouveau collaborateur, Henri Cain.
Tous les soirs, à cinq heures, nos hôtes, qui, avec un soin jaloux, avaient défendu ma porte pendant la journée, nous faisaient servir un lunch délicieux, autour duquel se réunissaient mes amis félibres et, parmi eux, l’un des premiers et des plus chers, Félix Gras.
Un jour, nous décidâmes d’aller rendre visite à Frédéric Mistral, qui, immortel poète de la Provence, prit une part si large à la renaissance de l’idiome poétique du Midi.