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MES SOUVENIRS

À six heures du matin, j’avais à recevoir la visite d’un masseur. Ses soins étaient réclamés par un rhumatisme dont je souffrais à la main droite. J’en avais quelque inquiétude.

À cette heure matinale, j’étais au travail depuis longtemps et ce praticien nommé Imbert et fort aimé de tous ses clients, m’apportait le bonjour d’Alexandre Dumas fils, de chez qui il sortait. Il avait rempli chez mon illustre confrère de l’Institut le même office, et lorsqu’il en venait, il me disait : « J’ai laissé le maître, ses bougies allumées, sa barbe faite, et confortablement installé dans son déshabillé de flanelle blanche. »

Un certain matin, il m’apporta ces quelques mots d’Alexandre Dumas répondant à un reproche que je m’étais permis de lui faire :

« Avouez que vous avez cru que je vous oubliais, homme de peu de foi !

« A. Dumas. »

Le Christ n’aurait pas dit autre chose à ses disciples bien-aimés.

Entre temps, et ce me fut une distraction exquise, j’avais écrit le Portrait de Manon, acte délicieux de Georges Boyer, auquel je devais déjà la poésie : les Enfants.

De bons amis à moi, Auguste Gain, célèbre sculpteur animalier, et sa chère femme, m’avaient été généreusement utiles dans de grandes circonstances, et j’étais ravi d’applaudir le premier ouvrage dramatique de leur fils, Henri Cain. Son succès de la Vivandière s’affirmait de plus en plus. La musique de